La période estivale commençait en force sur l’archipel des Silver Islands et l’endroit jouissait d’un important afflux de touristes souhaitant déguster les nombreux fruits de mer qui étaient servis dans les restaurants locaux. Par conséquent, les villes et les villages paraissaient plus dynamiques que jamais et le bonheur pouvait se faire observer sur le visage de leurs habitants. Toutefois, à quelques kilomètres de la plus petite des cinq îles, l’ambiance n’était pas du tout la même et un hélicoptère volait en direction de l’unique bâtiment qui y avait été construit.
— Oui, monsieur ! cria un sexagénaire, vêtu d’un complet noir à cravate rouge, depuis la cabine des passagers. Ce laboratoire sera géré selon vos recommandations et je peux vous assurer qu’il n’y aura plus aucun incident de ce genre !
Malheureusement, sa conversation téléphonique était grandement affectée par le vacarme que provoquait le véhicule aérien et il dut redoubler d’efforts afin de comprendre les phrases de son correspondant.
— Hein ? Est-ce que vous pouvez répéter ? J’ai du mal à vous entendre !
Au même moment, l’édifice commença à prendre des traits plus définis et le pilote amorça la manœuvre d’atterrissage en utilisant le micro qui se trouvait sur son casque.
— Red Dress, ici Delta Six. Nous vous avons en visuel et nous devrions nous poser d’ici quelques minutes.
— Bien reçu, Delta Six. Nous attendons votre arrivée.
Dès lors, l’appareil baissa d’altitude et s’approcha de l’hélisurface, où des signaleurs y agitaient des bâtons lumineux, puis ses patins métalliques touchèrent le sol en vue de son immobilisation. Après quoi, le vieil homme en costume, qui avait rangé son téléphone dans la poche de son veston, sortit par la porte d’accès et un scientifique de trente-sept ans s’avança pour lui souhaiter la bienvenue.
— Heureux de vous revoir à Santa Christina, monsieur Van-Croft.
— Le plaisir est partagé, docteur Maltran, déclara le concerné en replaçant une série de mèches grisâtres qui s’étaient fait malmener par le vent.
Par courtoisie, ils se serrèrent alors la main, puis s’éloignèrent conjointement vers l’entrée des installations.
— Il faut dire que c’est dommage qu’une telle tragédie se soit produite durant une journée aussi sublime.
— Si vous pouvez appeler ça une tragédie, s’esclaffa son accompagnateur. Vous saviez comme moi que le directeur Carmack était un vrai salopard et le projet D.N.A. nous a rendu un grand service en nous en débarrassant.
À la suite de ces mots, un léger malaise s’établit entre eux, tandis qu’ils pénétraient à l’intérieur du hall d’accueil.
— Peut-être, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un meurtre. D’ailleurs, avez-vous des hypothèses sur ce qui est arrivé ? Je pensais que cette chose portait un dispositif capable d’empêcher ce genre d’événements.
— Effectivement, mais on soupçonne qu’une défaillance dans le système informatique aurait temporairement désactivé ses bracelets électrifiants. En guise de précaution, on l’a simplement réinitialisé, mais tout semble fonctionner correctement.
Par la suite, ils prirent place à bord de l’un des nombreux ascenseurs et l’employé passa sa carte d’identité dans le lecteur permettant de se rendre au cinquième sous-sol.
— Êtes-vous prêt pour une petite balade en enfer ? blagua-t-il.
C’est ainsi que les portes se refermèrent, puis la cabine effectua une longue descente avant de s’ouvrir sur une réception, où une voix automatisée leur annonça :
« Bienvenue au pavillon cinq. »
Contrairement aux autres étages souterrains, peu de gens avaient l’autorisation de pénétrer dans celui qui était le plus sécurisé et cela se faisait grandement ressentir par la quantité de gardes armés qui y patrouillait chaque jour. De ce fait, les deux hommes durent subir un protocole de fouille et, une fois l’approbation obtenue, se dirigèrent vers le long couloir qui reliait les différents laboratoires. Qui plus est, plusieurs vitres permettaient d’observer à l’intérieur de ceux-ci et la majorité des chercheurs semblaient y effectuer de nombreuses expériences complexes.
— Travaillez-vous toujours sur l’échantillon de poliomyélite que nous vous avons envoyé ? ne put s’empêcher de demander le soixantenaire en les apercevant.
— Non, malheureusement. Un petit comique s’est amusé à en modifier la composition et vous auriez dû voir le résultat que ça a donné sur les cobayes. On aurait dit Tchernobyl, mais en plus horrible.
Cependant, leur échange dut prendre fin, car ils arrivèrent devant une mystérieuse porte munie d’un scanneur d’empreintes digitales. D’un geste rapide, Dickson Maltran y déposa donc sa main et un son retentit afin de lui indiquer qu’il avait l’autorisation de passer de l’autre côté.
— Par curiosité, ça fait combien de temps que vous n’avez pas mis les pieds ici ?
— À peu près dix ans. Le projet D.N.A. était tout jeune à l’époque et je lui avais montré comment lire et écrire.
— Ha, ha ! Dans ce cas, vous risquez d’être surpris en le voyant. Il est devenu aussi grand que la plupart de mes collègues.
Sur cette phrase, le duo déboucha sur ce qui ressemblait à une salle de contrôle, où s’affairait un petit groupe de personnes. De plus, l’endroit était muni d’une baie vitrée surplombant une immense pièce de la taille d’un gymnase et une femme aux longs cheveux roux ne tarda pas à s’approcher d’eux.
— Messieurs, leur dit-elle en penchant brièvement la tête.
— Docteure Valichenko, la salua également son confrère.
Après quoi, celle-ci leur fit signe de la suivre et ils se dirigèrent vers l’escalier permettant de se rendre en contrebas.
— J’espère que le trajet n’a pas été trop pénible, monsieur Van-Croft.
— C’était tolérable. Néanmoins, j’aurais préféré venir pour des raisons plus joyeuses.
— Vous en parlerez avec la créature, s’esclaffa la trentenaire en ajustant les lunettes qui arboraient son visage. Elle avait plutôt l’air heureuse d’avoir éliminé ce cher Adrien.
Toutefois, son allocutaire ne trouva pas cette réplique amusante et se contenta de faire comme si elle n’avait jamais été prononcée.
— D’après le rapport, c’est vous qui avez découvert le corps. Est-ce que je me trompe ?
— En effet. Et ce n’était absolument pas beau à voir. Il y avait des viscères partout, ainsi que des…
— Seigneur, coupa l’autre membre du trio avec une expression dégoûtée. Tu n’as vraiment pas besoin de lui décrire tout ça, Katerina.
Un sourire se dessina alors sur les lèvres de cette dernière et le groupe arriva finalement à sa destination. La salle renfermait de nombreux équipements scientifiques et une civière munie de sangles en métal, exhibant de mystérieuses taches séchées de couleur dorée, reposait dans un coin. En revanche, la première chose qui attirait réellement l’attention était l’énorme cage en titane qui se trouvait tout au fond. De la taille d’un conteneur, la structure possédait une large porte blindée et deux grands hublots rectangulaires de chaque côté. Malheureusement, l’intérieur avait été plongé dans le noir et cela avait rendu la visibilité quasi nulle pour ceux qui voulaient admirer son occupant.
— Je vous préviens qu’il risque de ne pas être très coopératif, reprit la femme de nationalité russe. Nous avons éteint les lumières et arrêté de le nourrir en guise de punition.
Elle leva ensuite la main vers ses collègues, qui les observaient depuis le bureau du dessus, et ordonna :
— Ouvrez la porte !
Pour donner suite à cette demande, ceux-ci acquiescèrent avec de légers mouvements de la tête, puis l’un d’eux appuya sur une série de boutons ornant le panneau de contrôle principal. Évidemment, ce geste déclencha l’alarme qui annonçait le début du processus et tous les regards se rivèrent sur l’entrée de la cellule s’étant doucement mise à glisser vers le haut.
Soudainement, le stress des trois visiteurs s’accentua, car deux yeux rouges, possédant d’intrigantes pupilles verticales, apparurent dans la pénombre et commencèrent à les fixer de façon troublante. Dès lors, l’homme en complet se déplaça lentement vers l’avant et ne put faire autrement que de prendre la parole :
— Bonjour, Seth. Est-ce que tu te souviens de moi ? On s’est déjà rencontrés quand tu étais enfant.
Curieusement, ces mots provoquèrent un léger rire de la part du concerné et une voix masculine, mais d’aspect adolescent, se fit entendre.
— Tiens, tiens. William Van-Croft, le lèche-cul officiel du PDG.
Après cela, les iris écarlates s’avancèrent en direction de la sortie et ce qui suivit prouva hors de tout doute que le projet D.N.A. était unique en son genre. Deux mains, dont la peau était aussi noire que de l’encre, agrippèrent l’embrasure métallique, en exposant de longues griffes rectilignes d’une trentaine de centimètres, puis un être des plus terrifiants s’extirpa des ténèbres. De grandes épines garnissaient une bonne partie de son corps fuligineux et d’horribles dents acérées complémentaient son visage rappelant celui d’un démon.
— Tu devrais surveiller ton langage, intervint le sexagénaire en soupirant. Te rends-tu au moins compte que tu t’es mis dans un sacré pétrin en assassinant le directeur ?
Cependant, le garçon modifié génétiquement ne se souciait guère des conséquences de ses actes et il le démontra avec des ricanements moqueurs.
— Il y en aura d’autres, vous verrez, finit-il par lâcher en esquissant un effroyable sourire.
— J’en doute fort, répliqua son interlocuteur en croisant les bras. Figure-toi que j’ai été désigné comme étant le nouveau remplaçant d’Adrien Carmack et j’ai bien l’intention de renforcer la sécurité. Maintenant, étant donné que nous sommes dans le vif du sujet, j’aimerais beaucoup que tu m’expliques comment tu t’y es pris pour le tuer.
— Si vous aviez été là, vous l’auriez peut-être su, lui répondit le projet scientifique avec une pointe de sarcasme.
Par conséquent, le principal intéressé plissa désagréablement les yeux, puis se tourna vers ses camarades en vue d’obtenir de meilleurs résultats.
— Qu’en est-il des caméras de surveillance ?
— Il y a deux jours, on a dû les enlever à cause d’un rappel de la compagnie, précisa nerveusement Dickson.
— Génial, s’indigna William en se mettant la main sur le visage. On n’a donc aucune preuve vidéo.
— C’est vraiment regrettable, l’interrompit Seth de manière amusée.
— La ferme ! s’immisça la docteure Valichenko en sortant une petite télécommande de sa blouse blanchâtre.
Tout à coup, les bracelets que l’adolescent portait autour des poignets lui infligèrent une violente décharge électrique et il s’effondra douloureusement sur le plancher de béton.
— Sale poufiasse ! cria-t-il en se recroquevillant sur lui-même.
Lorsque cette insulte parvint à ses oreilles, sa destinataire lui montra aussitôt son majeur et exprima son mécontentement avec une phrase issue de son dialecte maternel :
— Иди на хуй, мудак.
De son côté, ne pouvant plus endurer un tel supplice, la peau du monstre commença à prendre des couleurs plus humaines et ses griffes, de même que ses épines, se rétractèrent à l’intérieur de son corps. Des cheveux noirs, légèrement ébouriffés, firent alors leur apparition sur son crâne et ses yeux retrouvèrent une certaine normalité avec une magnifique teinte ambrée.
Entièrement nu et allongé sur le sol, le projet D.N.A. peinait maintenant à recouvrer une respiration naturelle et grommelait des obscénités à l’endroit de ses tortionnaires.
— Bon, trancha finalement le nouveau chef de l’établissement. Je crois qu’on peut le renvoyer dans sa cage. Il sera peut-être en mesure de nous parler lorsqu’il aura calmé ses ardeurs.
À la suite de cela, le docteur Maltran s’avança et lui assena un violent coup de pied pendant qu’il était toujours dans un état de vulnérabilité.
— Est-ce que tu as compris, petit merdeux ? Retourne à l’intérieur de ta cage !
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L’intensité du choc provoqua un gémissement chez le jeune homme de seize ans, puis il se releva difficilement avant d’entrer dans la noirceur de sa prison titanée. Après quoi, tandis que la porte se refermait derrière lui, ce dernier sauta sur l’occasion de faire une ultime déclaration.
— Vous verrez, sales fils de putes ! Un jour, je sortirai d’ici et vous passerez un très mauvais quart d’heure !
— Ouais, c’est ça, marmonna railleusement la trentenaire rousse en rappuyant sur sa télécommande.
De nouveaux cris retentirent ensuite depuis la cellule de confinement et le trio s’éloigna en ne leur accordant aucune attention.
— Bon Dieu ! s’empressa de dire le directeur Van-Croft. La dernière fois que je suis venu, il n’était pas aussi désagréable !
— C’était à prévoir avec tous les tests atroces que lui faisait subir Adrien, expliqua le scientifique qui l’avait escorté sur place.
— Effectivement, approuva à son tour Katerina. Ce n’est pas pour rien qu’il a été baptisé le Démon Noir Atrabilaire.
— Démon Noir Atrabilaire ? Je pensais que le projet D.N.A. tenait son nom du terme anglais pour désigner l’A.D.N.
— Oui, c’est exact, mais nous avons décidé de lui donner cette seconde appellation après le début de sa puberté. Libre à vous d’utiliser celle qui vous convient le mieux.
— Je vois.
Au même moment, ils remontèrent l’escalier qui permettait de revenir dans la salle de contrôle et la femme à lunettes rajouta :
— De toute façon, ce n’est pas son attitude que vous devriez redouter, mais bien ses capacités psychiques. Heureusement que ses bracelets électrifiants arrivent à les neutraliser, sinon nous serions dans de sacrés beaux draps.
— Vous avez parfaitement raison, docteure. Au fil des années, je les avais quasiment oubliés.
— On vous rafraîchira la mémoire lors des tests en environnement sécurisé, conclut leur autre camarade. Maintenant, je crois que nous pourrions aller visiter votre nouveau bureau. Qu’est-ce que vous en dites ?
— Oui, avec joie.
Les deux hommes saluèrent donc mademoiselle Valichenko, qui s’empressa de retourner travailler, puis quittèrent les lieux avec l’intention d’accomplir leur objectif. De ce fait, ils revinrent dans le couloir principal et marchèrent vers l’ascenseur tout en discutant de leur cobaye modifié génétiquement.
— Savez-vous ce que je trouve dommage avec Seth ?
— Non, mais je vous écoute.
— Son apparence humaine est loin d’être repoussante, contrairement à la seconde, et c’est un atout que j’aurais bien voulu avoir lorsque j’avais son âge.
— Je vois que vous êtes du même avis, badina son compagnon. De temps en temps, le docteur Heller et moi-même aimons plaisanter sur le sujet. Il est clair que ce morveux aurait fait fureur auprès des filles s’il avait été normal.
Ils s’installèrent ensuite à bord de la cabine et la remontée jusqu’au rez-de-chaussée se déroula aussi calmement que leur précédente descente.
Une fois de retour à la surface, ils empruntèrent alors un couloir arborant de nombreuses portes, puis entrèrent par l’une d’entre elles afin d’admirer la pièce qui y était connectée. À cet instant, le regard bleuté de son nouveau propriétaire jubila par le design du mobilier et il le démontra en allant s’asseoir sur le fauteuil qui faisait face au bureau parsemé de paperasse.
— Je suppose que ça vous plaît.
— Beaucoup, même. Votre ancien patron était peut-être un connard, mais il avait sacrément bon goût en matière d’aménagement.
— Je suis ravi de l’entendre, monsieur. De toute manière, vous n’auriez eu qu’à le dire et l’on aurait tout changé.
— Ne vous inquiétez pas, Dickson. Cela ne sera nullement nécessaire.
— C’est votre choix, poursuivit celui-ci en haussant les épaules. À présent, désirez-vous que je vous laisse seul ?
— Oui, si vous n’en voyez aucun inconvénient. J’aimerais passer une série de coups de fil et prendre connaissance des dossiers sur lesquels travaillait mon prédécesseur.
— Aucun problème. De mon côté, je vais retourner auprès de mes collègues et réessayer de parlementer avec la créature.
— D’accord. N’oubliez pas de me prévenir quand vous obtiendrez des résultats.
— Certes.
D’une simple salutation gestuelle, c’est ainsi qu’il quitta les lieux dans le but de réintégrer son poste.
Pendant ce temps, dans les profondeurs du cinquième pavillon, la Russe à la chevelure roussâtre se tenait devant la vitre surplombant la cage du projet D.N.A.
— Baissez la température d’environ dix degrés. Je souhaite savoir comment il réagira.
Sans la moindre hésitation, l’un des préposés obtempéra à sa requête et pianota sur les multiples touches de son clavier personnel. En revanche, quelque chose sembla rapidement le contrarier, puisqu’il répéta la démarche au bout de quelques secondes.
— Que se passe-t-il ? lui demanda sa supérieure, confuse.
— Je l’ignore, madame. La commande refuse de s’exécuter.
— Comment ça, elle refuse de s’exécuter ? Les techniciens ont dit que le système informatique fonctionnait correctement.
En voulant rectifier la situation, le salarié opta pour l’usage d’un script de débogage, mais une panne d’électricité l’entrava en plongeant le local dans le noir absolu.
— Bordel ! Qu’est-ce que tu as foutu ? s’énerva la trentenaire en se servant de son téléphone en guise de lampe de poche.
— Rien du tout ! Je vous le jure !
Manifestement, la scène prit l’intégralité des travailleurs au dépourvu, car ce genre d’incident ne se produisait que très rarement. Par chance, l’alimentation de secours ne tarda pas à s’enclencher afin de leur permettre de regagner leurs affectations. Subitement, les circonstances embrassèrent une tournure assez particulière, puisqu’un des chercheurs pointa du doigt la cellule du cobaye altéré scientifiquement avec une expression effarée.
— La p… p… porte, balbutia-t-il.
Les choses ne pouvaient pas être plus funestes, l’entrée de la prison de titane était dorénavant grande ouverte et son occupant ne s’était pas gêné pour s’en extirper. Dès lors, la docteure Valichenko eut juste le temps de détourner la tête vers l’escalier, qu’elle établit un contact visuel avec l’adolescent, totalement transformé, qui lui dévoila sa terrifiante dentition.
— Eh, merde.
Submergée par une fureur inimaginable, la créature se rua donc à l’intérieur, en engendrant une myriade de cris paniqués, puis un spectacle hautement macabre s’en découla. Atteints par de puissants coups de griffes, un grand nombre d’individus furent brutalement éviscérés, pendant que leurs confrères se précipitaient vers la sortie. Toutefois, la fuite était impossible sous cette valse ensanglantée, parce que la coupure de courant avait suspendu certains services importants, incluant les verrous digitaux, et la porte refusait systématiquement de s’ouvrir. De leur côté, les bracelets du monstre ne semblaient guère en état de le neutraliser et il se chargea du reste de ses victimes en éprouvant un plaisir parmi les plus vésaniques.
La zone avait adopté une teinte écarlate et un amas d’entrailles et de cadavres tapissait le plancher. À ce stade, seule Katerina demeurait encore debout et la pauvre savait que son imminente mise à mort serait douloureuse. Néanmoins, à l’instar des autres, le projet D.N.A. usa de ses habiletés psychiques et ses iris de couleur rouge s’illuminèrent comme des néons.
— Red Dress aurait dû y réfléchir avant de me faire vivre un tel enfer, lui insuffla-t-il par la pensée.
Un filet de sang s’écoula ensuite d’une des narines de sa nouvelle proie, puis cette dernière s’effondra bruyamment au sol en ne donnant plus aucun signe de vie. Pour conclure, Seth s’approcha de la porte et enfonça ses longues griffes dans le boîtier électrique afin d’en forcer l’ouverture. Maintenant, il n’avait qu’un seul but en tête : quitter ce complexe maudit et regagner sa liberté.
Visiblement, le reste du pavillon avait lui aussi subi les effets de la panne et de nombreux gardes essayaient de sortir les chercheurs enfermés dans les divers laboratoires. Quelle ne fut pas leur surprise en apercevant le jeune homme hors de la salle de contrôle !
— Oh, mon Dieu ! Le projet D.N.A. s’est échappé !
Sous le coup de l’adrénaline, les gardiens firent naturellement feu dans sa direction, mais la créature se servit à nouveau de ses pouvoirs et les projectiles se figèrent mystérieusement dans les airs. Après coup, il ne fallut qu’un simple claquement de doigts pour changer leur trajectoire et ils se réexpédièrent de plein fouet à leurs envoyeurs, qui les reçurent au visage.
Du sang et des morceaux organiques giclèrent alors sur les murs, affolant les scientifiques prisonniers, mais il était déjà trop tard. La totalité fut prise de douloureuses migraines, combinées à des saignements nasaux, et leurs têtes éclatèrent tels des ballons de baudruche. Ensuite, le jeune homme se mit en route vers l’accueil et le pavillon cinq se retrouva purgé de l’ensemble de ses employés.
La situation ne pouvait pas mieux se dérouler et l’idée de rejoindre la surface le rendait quasiment euphorique. En revanche, en arrivant près de l’ascenseur, les portes de la cabine révélèrent la silhouette du docteur Maltran qui retournait travailler. Malheureusement, avant même de comprendre la gravité des événements, une force invisible le souleva du plancher et le catapulta jusqu’aux pieds du garçon de seize ans, en brisant les petites lunettes qu’il portait sur le nez.
— Putain, c’est quoi ce bordel ? gémit-il en essayant de se relever.
Le monstre le maintint alors au sol en lui appliquant une pression télékinétique sur le dos, puis se pencha doucement pour lui murmurer :
— Avez-vous peur de la mort, docteur ?
Ironiquement, au lieu de l’effrayer, ces mots l’envahirent d’une profonde colère et il le témoigna assez vigoureusement.
— Espèce de salopard ! J’ignore comment tu as réussi à sortir de ta cage, mais tu n’as pas idée de la merde dans laquelle tu viens de te foutre !
Curieusement, cette menace provoqua un gloussement chez son bourreau et ce dernier répliqua en lui insérant brutalement ses griffes à l’intérieur des épaules.
— Malheureusement, je crois que vous n’êtes plus en mesure de me dire ce genre de choses.
Évidemment, Dickson ne put qu’exprimer sa souffrance qu’en poussant de puissants gémissements et sa chemise médicale se retrouva tachée d’hémoglobine. Par la suite, Seth retira ses griffes d’un mouvement prompt, puis lui releva la tête en l’agrippant par ses cheveux de jais, qui étaient soigneusement peignés vers l’arrière.
— Vous savez, conclut-il d’un ton narquois. Avec tous les tests barbares que j’ai subis, il est clair que vous méritez des représailles dignes de ce nom.
La scène qui suivit fut d’une violence inimaginable, car il tira avec une force si intense que son scalp commença à se détacher de son crâne, le faisant émettre une seconde série de cris parmi les plus dérangeants. La membrane cutanée s’enlevait tel un pansement et une abondante quantité de liquide écarlate coulait maintenant sur le visage du scientifique. À ce point, le pauvre ne désirait qu’une chose et cela était de trépasser le plus rapidement possible.
— Vous en souvenez-vous ? Vous m’avez fait la même chose dans le cadre de vos stupides expériences. En revanche, contrairement à moi, votre corps ne se régénérera pas.
Le projet D.N.A. n’éprouvait aucune pitié et le ton employé dans sa phrase le prouvait radicalement. Au contraire, il était heureux de pouvoir se venger des mauvais traitements qu’on lui avait infligés. C’est donc pour cette raison qu’il l’acheva en lui enfonçant ses griffes noirâtres dans les yeux, avant d’extirper ce qui restait de ses globes oculaires. Deux masses visqueuses, exhibant ce qui était autrefois des iris céruléens, reposaient dorénavant dans le creux de ses mains. Des déchets qu’il se dépêcha de jeter sur le sol.
Plus rien ne lui barrait désormais la route. Par conséquent, il vola la carte d’identité accrochée aux habits du cadavre et prit place dans la cabine de l’ascenseur avec le cœur battant.
Au même moment, plusieurs étages au-dessus, William Van-Croft sortait de son nouveau bureau avec son téléphone intelligent contre son oreille gauche.
— Non, au contraire. Je trouve qu’il serait judicieux d’augmenter le budget qui nous est alloué. Comme ça, on pourra produire nos vaccins et nos médicaments plus efficacement.
À l’inverse du cinquième pavillon, aucune panne n’avait engendré de défaillance et personne ne s’était rendu compte du massacre qui venait de s’y perpétrer.
Il se dirigea bientôt vers le hall et alluma la machine à café. Au bout d’une quinzaine de secondes, le breuvage foncé coula dans son gobelet en carton et le sexagénaire y ajouta de la crème, puis du sucre avant de le porter à ses lèvres.
— Je vous remercie, monsieur. Vous ne le regretterez aucunement.
Sur ces paroles, il coupa la communication, puis remit l’appareil dans son veston. Il se prépara à retourner dans la pièce qu’il avait précédemment quittée, mais un imprévu le cloua littéralement sur place et le fit lâcher sa boisson, qui se répandit par terre.
L’un des ascenseurs venait de s’ouvrir sur un occupant des plus inusités et les hurlements fusèrent de partout lorsqu’il s’engagea dans l’immense vestibule. Les multiples expérimentations menées dans les profondeurs étaient inconnues des ailes inférieures et la panique s’installa à la simple observation de cette créature défiant toutes les lois de la nature. Cependant, le récent évadé passa à l’offensive et se mêla également à l’attroupement. Certains furent tranchés en deux, alors que d’autres succombèrent à de puissantes ondes psychiques. Les manières de tuer étaient aussi brutales les unes que les autres et le chemin de la liberté se rapprochait de plus en plus. Dans très peu de temps, l’adolescent serait à l’extérieur et le vent caresserait son visage.
Au grand désarroi du directeur, qui s’était réfugié sous une table, il n’y avait que cinq agents pour assurer la sécurité. À ce rythme-là, si le cobaye modifié génétiquement n’était pas neutralisé, la compagnie Red Dress inc. subirait de lourdes conséquences.
— Empêchez-le de sortir !
Une impressionnante pluie de balles s’en résulta, mais leur opposant de seize ans se protégea en utilisant les membres du personnel en guise de boucliers. Il s’immisçait dans leurs esprits et les forçait à s’interposer afin de recevoir les projectiles à sa place. En conclusion, l’impatience lui fit carrément oublier les survivants et il fracassa une fenêtre en se jetant au travers.
En voyant la scène, l’angoisse de William atteignit son paroxysme et il s’extirpa de sa cachette avant de s’élancer dehors avec le reste des gardiens. Pour la première fois de sa vie, le projet D.N.A. pouvait admirer le ciel bleu et ressentir la chaleur du soleil contre sa peau. La prochaine étape de son plan consistait à s’enfuir de Santa Christina. Néanmoins, il n’avait aucunement le luxe d’élaborer une stratégie et se contenta de courir vers une falaise en vue de sauter à la mer.
Tout se déroula au ralenti lorsque ses pieds se soulevèrent du sol. Durant un court moment, le monstre crut que son calvaire était enfin terminé, mais ses poursuivants lui firent un dernier cadeau qui le ramena froidement à la réalité. Plusieurs détonations retentirent et une balle lui transperça violemment l’épaule, tandis qu’une autre se logea dans son dos. La douleur était insoutenable et un étrange liquide doré s’écoulait de ses plaies. Ses paupières se fermèrent doucement et il perdit connaissance pendant que son corps chutait dans le vide.
Bien évidemment, la situation engendra un sentiment de réjouissance chez ses adversaires, mais le soixantenaire savait que le problème était loin d’être réglé. En arrivant sur les lieux et en constatant que la créature avait disparu dans l’eau, il ne put se retenir d’ordonner :
— Dépêchez-vous d’aller le repêcher avant que ses capacités régénératrices ne le remettent sur pied !
Sur ce, les hommes s’éloignèrent en direction des quais et le directeur Van-Croft émit un profond soupir d’exaspération et une phrase spécifique exprima adéquatement son état.
— Seigneur, dans quelle galère est-ce je viens de m’embarquer ?
À suivre…
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Note(s) de l'auteure
- Mesdames et messieurs, ceci était donc le chapitre 1 de la version réécrite de D.N.A. ! J'espère que vous l'avez apprécié et on se donne rendez-vous pour le chapitre 2 !
- Pour les curieux, la phrase en russe, si j'ai fait mes recherches correctement, signifiait : va te faire foutre, connard.
- Je suppose que ce n'est pas tout le monde qui connaît la définition d'atrabilaire, donc, en gros, c'est un terme se rapportant à quelqu'un qui a un caractère désagréable, aigre ou irritable.
- En passant, le docteur Dickson Maltran a actuellement été créé par Alice-s-Stories sur Wattpad, car elle a gagné à un tirage où la récompense était l'intégration d'un personnage à l'un de mes chapitres.
- On n'en est qu'au premier chapitre, mais l'inspiration pour cette histoire me provient surtout d'un manga/anime intitulé Elfen Lied, de la série Stranger Things et de deux jeux vidéo portant le nom de [Prototype] et Resident Evil.
- Merci beaucoup d'avoir lu ce chapitre. Si vous l'avez aimé, n'hésitez pas à me laisser des j'aime, des commentaires, ou à vous abonner à moi, car ça m'encourage à continuer d'écrire des histoires.
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